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Nicolas LEBRUN

Appréhender la centralité marchande : les modes de centralité

(81 (2023/2) - Varia)
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Résumé

L’évaluation de la centralité marchande, entendue comme le potentiel marchand d’un lieu, va communément de pair avec le binôme centre-polarisation et avec le binôme accessibilité-attractivité. Pourtant, à trop réduire les logiques marchandes à ces éléments, nous sommes peut-être passé à côté de quelque chose.

Ainsi, nos pratiques de consommation ont évolué notamment sur les vingt dernières années : nous sommes de plus en plus motiles et mobiles, et la consommation s’insère dans des chaînages de déplacements de plus en plus complexes. Mais en parallèle, lorsque nous consommons, le recours à la proximité ou à la livraison à domicile, n’ont jamais été autant sollicités. En conséquence l’offre marchande est de plus en plus polymorphe, le lieu de vente n’étant qu’un moyen parmi d’autres d’atteindre le client potentiel.

La théorie développée ici par l’auteur est que le primat de la centralité marchande de polarisation est révolu. Il existerait autant de modes de centralité qu’il existe de formes spatiales de bases : le point, la ligne, l’aire, le réseau. Cet article propose d’aborder successivement les quatre modes de centralité ainsi constitués : la centralité de polarisation, la centralité de positionnement, la centralité d’ancrage, la centralité en distanciel. Il s’agit de voir en quoi chaque mode de centralité a ses propres logiques, interagit différemment avec la fonction marchande, correspond à des comportements de consommation différents, génère des formes et paysages marchands spécifiques.

Index de mots-clés : centralité, centralité marchande, commerce de détail, localisations, territorialité

Abstract

The evaluation of retail centrality, understood as the retail potential of a location, is commonly associated with the binomial center-polarization and with the binomial accessibility-attractiveness. However, by reducing market logic too much to these elements, we may have missed something.

Our consumption practices have evolved, particularly over the last twenty years: we are increasingly mobile, and consumption is part of an increasingly complex chain of journeys. But at the same time, when we do consume, there has never been a greater demand for proximity or home delivery. As a result, the retail offer is increasingly polymorphous, with the point of sale being just one of several means of reaching potential customers.

The theory developed here by the author is that the primacy of the polarising market centrality is a thing of the past. There are as many modes of centrality as there are basic spatial forms: the point, the line, the area, the network. This article looks successively at the four modes of centrality thus constituted: polarising centrality, positioning centrality, anchoring centrality and distant centrality. The aim is to show how each mode of centrality has its own logic, interacts differently with the retail function, corresponds to different consumption behaviours, and generates specific retail forms and landscapes.

Index by keyword : centrality, retail centrality, retail, locations, territoriality

Table des matières


Introduction

1La centralité marchande peut être définie comme le potentiel marchand que tout lieu présente, à différents degrés, du fait de son offre marchande ou de sa proximité de lieux marchands (Lebrun, 2023a). Mesurer l’offre marchande, et la polarisation générée, apparaît comme une des manières les plus classiques d’estimer ce potentiel marchand. Plus l’offre est importante plus l’aire de chalandise va être étendue, puisque, potentiellement, plus on viendra de loin pour consommer. La fonction marchande est donc à même de générer sa propre centralité. Augmentez l’offre, vous augmenterez en théorie la centralité marchande générées par les pôles commerciaux.

2Pour autant, la centralité marchande ne se matérialise-t-elle que dans des pôles marchands, et l’attractivité des lieux marchands se limite-t-elle exercée par son offre ? Assurément non. Ainsi, la centralité marchande n’est peut-être plus régie uniquement par des questions de polarisation liée à l’offre marchande mais par des facteurs bien plus diversifiés. Ce phénomène est renforcé par une mobilité bien plus présente dans nos pratiques. La distance au domicile est moins importante qu’avant dans un contexte de mobilité plus grande et de chaînages de déplacements complexifiés. L’aire de chalandise devient donc un critère moins pertinent pour évaluer le potentiel marchand.

3Dès lors nous nous devons d’interroger l’ensemble des rapports spatiaux que peut théoriquement entretenir la fonction marchande, afin de voir tous les types de centralité marchande qui pourraient potentiellement exister. En effet, nous ne pouvons partir du fait que la centralité, fût-elle marchande, ne s’apprécie que sur un mode unique. « Différentes centralités sont à l’œuvre ; non seulement l’espace urbain est polycentrique mais ce qui fait centre varie selon les lieux » notait déjà, en 1998, Laurent Devisme (1998). Dès lors, l’idée que je porte est qu’il existerait un mode de centralité pour chaque forme spatiale générique que pourrait entretenir le lieu marchand avec son environnement de consommation. Ce sont les modes de centralité marchande.

4C’est pourquoi, dans un I, nous allons dans un premier temps envisager quels sont ces différents modes de centralité marchande. Ensuite (II à V), nous pourrons les appréhender un à un, pour mieux voir la façon dont ils fonctionnent.

I. Repenser le rapport à l’espace dans l’approche de la centralité marchande

A. La nécessité d’une évaluation plus qualitative de la centralité marchande

5Si nous considérons que c’est le binôme accessibilité-attractivité qui régule les localisations marchandes, il n’est pas étonnant que la mesure de l’évaluation de l’offre marchande conditionne la façon dont on appréhende la dimension spatiale de la fonction marchande. Il s’agit en quelque sorte de transposer la loi de Reilly1 dans le registre de la fonction marchande, en partant du principe que l’attractivité est à l’origine des aires de chalandise. Je pense notamment aux outils d’évaluation de l’offre marchande qui ont été proposés dès les années 1960 par J. Sporck (1963). Le poids de l’offre était donc un élément fondamental dans l’appréhension des centralités marchandes.

6Mais, appréhender les qualités intrinsèques d’un espace, indépendamment de la seule fonction marchande, est une nécessité. C. Tannier (2003) distinguait déjà, dans l’établissement de modèles d’analyse de compréhension de la localisation marchande des « composants "acteurs" » et des « composants « territoire ». Selon elle, il est donc des contextes spatiaux dans lesquels les qualités du territoire, ont plus de portée et de sens que d’autres. C’est l’idée selon laquelle certains espaces bénéficient de qualités qui les rendent sinon uniques du moins spécifiques, alors que d’autres disposent de caractéristiques qui ne sont pas nécessairement liées au lieu même.

7De même B. Mérenne-Schoumaker (2001) insiste sur le fait que les changements dans le binôme offre/demande commerciale dépendent d’éléments nombreux affectant tant la demande des consommateurs que l’offre des distributeurs. Elle distingue alors quatre types d’évolutions dans les logiques des dynamiques de localisations marchandes selon le type d’environnement :

8• l’évolution qualitative, celle qui affecte la nature et le niveau de gamme des produits vendus ;

9• l’évolution structurelle, celle qui affecte la restructuration du secteur marchand ;

10• l’évolution spatiale, celle qui affecte les logiques de localisation ;

11• l’évolution temporelle, celle qui permet la lecture des dynamiques de localisation dans le temps.

12Ces quatre logiques apparaissent comme nécessairement concomitantes.

13De fait, les logiques développées ici par B. Mérenne-Schoumaker et C. Tannier ne sont pas incompatibles mais complémentaires. Elles reconnaissent deux choses qui contraignent les logiques de centralité marchande :

14• Des facteurs directement liés au fonctionnement de l’activité marchande

15• Des facteurs directement liés aux espaces dans lesquels cette fonction marchande se déploie.

B. Typologie des modes de centralité marchande

16Je pars du principe que la fonction est à même de générer sa propre centralité. Rapporté à la fonction marchande, cela revient à dire que :

17• soit le commerce par son attractivité maîtrise ses composantes d’accessibilité et de fait polarise l’espace ;

18• soit le commerce s’adapte à des différentiels spatiaux, et donc se positionne en fonction de cheminements qu’il ne maîtrise pas ou peu ;

19• soit le commerce est facilité, entravé, permis, interdit par des logiques d’attractivité territoriale qui le dépassent partiellement, le commerce n’étant pas un composant acteur, mais devant davantage composer avec d’autres fonctions et éléments générateurs de mobilités ;

20• soit le commerce répond à des logiques qui sont à peu près les mêmes quelle que soit la localisation du consommateur ; ce serait le cas du commerce virtuel dans une situation où l’accessibilité au numérique serait globalement uniforme.

21Dès lors, si on analyse la forme spatiale prise par ce rapport entretenu entre la fonction marchande et son environnement spatial, on retrouve quatre situations correspondant à quatre concepts géographiques de base : le pôle, la discontinuité, le territoire, le réseau (Tableau 1 et Tableau 2). On retrouve les quatre formes utilisées par exemple par Roger Brunet dans sa table des chorèmes : le point, la ligne, l’aire, le réseau (Brunet, 1980).

Rapport spatial entretenu par le commerce

Forme spatiale associée

Le commerce par son attractivité maîtrise ses composantes d’accessibilité et de fait polarise l’espace.

Le pôle

Le commerce s’adapte à des différentiels spatiaux, et donc se positionne en fonction de cheminements qu’il ne maîtrise pas ou peu.

La discontinuité

Le commerce est facilité, entravé, permis, interdit par des logiques d’attractivité territoriale qui le dépassent partiellement

Le territoire

Le commerce répond à des logiques qui sont à peu près les mêmes indépendamment de la localisation du consommateur

Le réseau

Tableau 1. Commerce et formes spatiales associées. N. Lebrun, 2023.

22Dès lors, la mesure de la centralité marchande, entendue en tant que potentiel marchand d’un lieu, me semble pouvoir relever de quatre modes de centralité :

23• la centralité liée à la polarisation exercée par le commerce : c’est la centralité de polarisation ;

24• la centralité liée à des différentiels spatiaux dont profite la fonction marchande pour s’épanouir : c’est la centralité de positionnement ;

25• la centralité directement liée aux caractéristiques d’ancrage territorial de la fonction marchande : c’est la centralité d’ancrage ;

26• la centralité liée au réseau (commerce accessible à distance principalement grâce au numérique) entendu comme espace à métrique topologique (Lévy, 2003) ; c’est la centralité en distanciel.

Forme spatiale de base

Effet spatial structurant

Mode de centralité

Pôle

Polarisation marchande

Centralité de polarisation

Ligne

Effets de discontinuités

Centralité de positionnement

Aire

Territorialité et ancrage

Centralité d’ancrage

Réseau

Accessibilité au numérique

Centralité en distanciel

Tableau 2. Les quatre formes théoriques de la centralité marchande : les modes de centralité. N. Lebrun, 2023.

27Ce sont ces quatre modes de centralité que nous allons désormais successivement appréhender.

II. La centralité de polarisation : le poids du binôme accessibilité / attractivité

B. Les règles de base de la logique de polarisation

1. Elle est régie par le binôme accessibilité-attractivité

28La polarisation repose sur le binôme accessibilité/attractivité. Un lieu marchand, du fait de son offre, génère une attractivité, donc un potentiel d’attraction, qui sera converti en attraction si les conditions de l’accessibilité sont réunies.

29En théorie, à offre égale plus l’accessibilité d’un lieu est aisée, plus la clientèle potentielle de ce lieu sera importante. Cette accessibilité est permise par l’amélioration des infrastructures et dessertes, et par la réduction des distances, qui suppose de se rapprocher des consommateurs, et des autres acteurs marchands.

30Il s’agit alors de se mettre, sinon en situation de proximité systématique, du moins de simuler les conditions d’une proximité qu’elle soit géographique ou organisée, celle qui s’avère suffisante pour qu’on accepte d’activer le déplacement pour s’y rendre (Torre, 2009). Notons que la notion de proximité géographique n’est en rien réductible aux distances euclidiennes, les temporalités et les coûts de la distance, étant aujourd’hui souvent les plus importants pour franchir le pas de l’acceptabilité du déplacement (Lebrun, 2022 ; Lebrun, 2023b).

31Dès lors, si l’accessibilité est médiocre, notamment du fait des effets de la distance, une offre surdéveloppée aura pour conséquence d’attirer le consommateur de plus loin, celui-ci voulant, en quelque sorte, « rentabiliser » son déplacement. De fait, la logique attractivité-accessibilité a surtout pour conséquence de justifier la concentration marchande. Si ce constat peut paraître de prime-abord tautologique, il n’a rien d’évident puisque la centralité peut en théorie s’exprimer autrement que par la création de centres2 : cette association inéluctable entre centralité de polarisation et émergences des centres est donc une situation spécifique qui ne se retrouvera pas de façon aussi claire dans d’autres modes de centralité. D’ailleurs Lacour et Gaschet (2002) disent dès 2002 que la conjonction centre-centralité est datée, en ce sens que la concentration répondait à un besoin de satisfaire des contraintes de mobilité.

2. Elle s’inscrit dans une logique géométrique des rapports spatiaux

32Le pôle marchand est alors un produit spatial résultant des effets conjugués du binôme accessibilité-attractivité et des effets d’agglomération, la concentration marchande générant des externalités positives renforçant l’attractivité, et la proximité géographique des entités marchandes contribuant à réduire les contraintes d’accessibilité in situ, les conditions de la coopétition (Dagnino, Leroy et Yami, 2007) étant alors réunies.

33Les processus d’étalement urbain et de développement de la périurbanisation n’ont pas contribué à faire disparaître l’utilité du centre, mais au contraire, ils en produisent de nouveaux, sous de nouvelles formes. C’est notamment ce que notaient Bourdeau-Lepage, Huriot et Perreur, en dépit de ce qu’ils appellent « la fascination du centre unique » (2009). C’est encore ce que notaient Marchal et Stébé (2013) lorsqu’ils avançaient l’expression de centralités concrètes, comme nouvelles alternatives à la centralité classique des centres-villes.

34La logique de polarisation marchande n’a de sens qu’à partir du moment où les conditions de la mobilité sont réunies. Dès lors, si en théorie l’augmentation de la largeur et de la profondeur de l’offre permettent de renforcer l’attractivité, cette dernière ne pourra se convertir en attraction que si la mobilité est possible.

35Mais plus encore, c’est la motilité3 qui est le facteur déterminant, l’acteur marchand misant sur les qualités intrinsèques de l’attractivité qu’il génère pour convertir la motilité en mobilité. S’il souhaite s’inscrire dans un espace où la motilité des consommateurs potentiels est faible, il devra nécessairement s’appuyer sur une aire de proximité pour définir la nature de l’attractivité qu’il devra produire pour se mettre en adéquation avec cette réalité.

B. Polarisation entre inertie et dynamiques

1. Du pragmatisme à l’ingratitude spatiale

36Ce qui fait la centralité d’un pôle marchand, c’est donc l’attractivité générée par son offre combinée à une bonne accessibilité. Il s’en suit un postulat selon lequel la localisation l’emporterait sur toute autre considération, l’évidence géométrique des lois de l’analyse spatiale s’imposant de facto.

37Je qualifie de pragmatisme de la localisation, cette propension que peuvent avoir les acteurs de l’urbanisme, et notamment marchand, à privilégier la localisation, au sens géométrique, aux dépens de considérations plus qualitatives (image du lieu, historicité, etc.). Il s’agit de mettre le commerce au cœur d’un dispositif de mobilité qui permette d’optimiser les proximités géographiques (approvisionnement, clientèle, concurrence). On retrouve là une application somme toute classique des fondements d’un urbanisme, dit post-fordiste, à l’urbanisme commercial (Moati, 2001, Bertin et Tran, 2014).

38Du pragmatisme de localisation à l’ingratitude spatiale (Lebrun, 2023a) il n’y a qu’un pas, que la régulation par la centralité de polarisation franchit allègrement. Ainsi, en dépit des qualités d’accessibilité d’un lieu y ayant permis à un moment donné le développement massif de l’offre marchande, la présence marchande peut y être ultérieurement remise en cause, engendrant de facto une mise à l’écart de cet espace, au profit d’autres jugés plus modernes. L’offre se trouve alors rapidement siphonnée au profit d’un nouvel espace à dominante marchande, créé le plus souvent ex nihilo en un autre lieu bénéficiant d’une accessibilité pas nécessairement meilleure. Ce processus autodestructeur s’est trouvé facilité en France par des processus de financiarisation marchande, qui font que la prise de risque apparaît comme plus mesurée dans ce secteur que dans d’autres secteurs économiques (Madry, 2013).

39On peut y voir une forme de libéralisation de l’urbanisme commercial, qui correspondrait spatialement au passage d’un régime d’accumulation standardisée à un régime d’accumulation flexible, qui a transformé la ville fordiste, pour reprendre une approche conceptuelle développée par D. Harvey (1987). Chez Harvey, l’impact de la flexibilité sur l’urbanisme se limite aux conséquences des évolutions structurelles du marché du travail. Mais, la flexibilité ne s’est en rien limitée, dans l’urbanisme commercial, aux seules évolutions des conditions d’emplois : les modalités de gestion du bâti commercial ont tout autant été marquées par une souplesse qui existait déjà depuis les années 1970, mais davantage de rigidité eût été souhaitable à partir des années 1990. Dès lors, à conditions réglementaires comparables, la flexibilité est à compter des années 1990 d’autant plus visible qu’elle devient structurante : c’est ce qui explique sans changement notable ce glissement d’un régime d’accumulation marchande standardisée à un régime d’accumulation marchande flexible (Lebrun, 2023a). Comment expliquer autrement que le développement des surfaces marchandes ait pu se poursuivre dans de telles proportions, alors même que le marché était arrivé à maturité ? Nous pouvons donc parler d’urbanisme commercial flexible à partir du moment où les logiques d’implantation ont permis des créations importantes de nouvelles surfaces de vente, alors même que ces créations généraient les premières friches commerciales et se faisaient sans croissance proportionnelle du marché. Ainsi, si la croissance urbaine fordiste était permise par la croissance économique, le développement des espaces marchands ultérieurs s’est opérée dans une logique défensive, à contre-courant des évolutions de la consommation des ménages. En effet, ces trente dernières années, la croissance des surfaces marchandes a été bien plus forte que l’évolution du pouvoir d’achat, d’une part, et que l’évolution démographique, d’autre part (INSEE, 2021).

40Se pose le problème du devenir du lieu marchand délaissé, avec différents degrés :

41• la zone commerciale régressive avec perte de la qualité de l’offre ;

42• la friche marchande, avec désertion par la fonction marchande.

43La friche est le stade ultime de la dépréciation du lieu marchand. Elle suppose l’abandon par la fonction marchande. Le plus souvent il s’agit donc d’une friche de croissance : c’est la volonté de créer de nouveaux espaces marchands, plus modernes, plus spacieux, plus attractifs qui génère de la friche. Dans un contexte d’urbanisation peu régulée, il est bien plus facile de construire du neuf à un emplacement vierge, que d’améliorer l’ancien pour le mettre aux normes plus drastiques et aux goûts du moment.

2. La surenchère et l’urbanisme jetable

44Le fait que le binôme accessibilité-attractivité apparaisse comme incontournable n’est pas sans conséquence. Il a abouti, dans un contexte de mobilité facile et de motilité forte, à un renforcement des logiques d’attractivité générées par l’offre. En effet, si les pratiques de mobilité sont en apparence facilitées, cela revient à dire que la mise en concurrence des lieux marchands est renforcée, puisque le facteur distance demeure moins discriminant. Ce point théorique est facilité par une souplesse réglementaire, pour ne pas dire un laxisme coupable, qui contribue à ce que la logique d’accroissement de l’attractivité par l’élargissement de l’offre supplante toute autre logique d’implantation (Valdiguié et Schmit, 2018). En effet, qui dit logique d’attractivité non pondérée par la logique d’accessibilité dit nécessairement surenchère de l’offre, dans un contexte concurrentiel, pour tenter d’accroître la réussite marchande et faire la différence avec d’autres espaces. Cette logique prévaut à toutes échelles : périphéries marchandes d’une même agglomération, des centres commerciaux régionaux et des entrées de villes d’importance en tissu urbain dense, etc.

45Pour que le politique valide ce qui apparaît comme une fuite en avant, il s’agit de justifier les nouveaux mètres carrés d’un projet par la nécessité de se prémunir des retombées négatives sur le tissu économique local que pourrait avoir une non prise en compte du potentiel de croissance de concentrations marchandes concurrentes. Le concurrent contre lequel il faut lutter est toujours à la fois proche spatialement et en même temps dans un cadre administratif autre, profitant ainsi d’une logique décisionnelle d’autorisation trop finement territorialisée. L’amélioration rapide des pratiques de mobilité sur les trois dernières décennies, à finalité marchande ou non, a contribué à faire voler en éclat les logiques de chalandises classiques, le binôme attractivité-accessibilité reposant désormais sur la seule attractivité puisque désormais la mobilité à accomplir n’est plus nécessairement un frein pour le consommateur qui s’inscrit dans une logique constante de déplacement assumée, voire d’hypermobilité (Sheller et Urry, 2006). Mais, par facilité, on a donc, face au constat de populations plus mobiles, cherché à tout prix à leur donner des raisons supplémentaires de faire jouer la concurrence, au risque d’une accentuation supplémentaire des mobilités. On se rend compte qu’on a continué à penser la centralité marchande en termes de développement des centres, par accumulation de l’offre fonctionnelle, alors même que les conditions de la disjonction centre-centralité étaient réunies. Il s’en suit alors une logique complètement déphasée, alors que le passage à un régime de mobilité plus apaisé, laissant plus grande place à des approches plus qualitatives du déplacement et à la proximité, permettrait en théorie de penser les logiques d’implantation marchande selon des modalités plus diversifiées.

III. La centralité marchande de positionnement : Quand la discontinuité structure le paysage marchand

46La centralité de positionnement est générée par le positionnement en fonction de différentiels spatiaux, générateurs ou révélateurs de discontinuités. De fait, la discontinuité peut être structurante de trois façons : soit elle crée du lien, soit elle sépare, soit elle filtre.

A. Deux enjeux spécifiques de la mise en œuvre marchande

1. Se positionner par rapport à l’altérité

47Le différentiel étant l’élément régulateur de la mise en œuvre marchande dans le cas de figure de la centralité de positionnement, l’altérité de l’offre de part et d’autre de la discontinuité peut-être un élément justifiant la localisation. Deux différentiels principaux semblent émerger : le différentiel d’offre et le différentiel de prix.

48En 2014, nous avons notamment associé le commerce frontalier à cinq « D » spécifiques (Lebrun et Renard-Grandmontagne, 2014) : la discontinuité, le différentiel, le dépaysement, la défiance, la déformation. Si nous avions alors pensé cette typologie au regard des spécificités des espaces frontaliers, il est possible d’étendre cette terminologie à toute situation spatiale génératrice d’une discontinuité.

2. Commensalisme marchand et localisation sur les flux

49L’existence d’un différentiel ou d’une complémentarité entre deux entités spatiales est un élément générateur de flux. Or, la fonction marchande, quand bien même la nature des différentiels ne la concerne pas directement, a tout à gagner à se positionner sur ces flux. C’est le principe de la capture de flux. Cette propension à ne miser que sur la seule capture de flux générée par autre chose, c’est ce que j’ai qualifié de commensalisme marchand. J’ai défini un commerce commensal comme étant « un magasin dont l’existence même ne repose que sur des flux existants, le plus souvent générés par une autre fonction, sans vraiment chercher à créer sa propre force » (Lebrun, 2001, p.34).

50On peut alors distinguer deux façons de se positionner par rapport aux flux :

51• l’une relève de la centralité de polarisation : se positionner à proximité immédiate d’éléments marchands (effets d’agglomération) ou non (attractivité touristique par exemple) à attractivité forte pour bénéficier de cette dernière ;

52• l’autre, celle qui m’intéresse plus spécifiquement dans ce point : se positionner en capture de flux entre deux pôles ou espaces entretenant des relations fortes, générées par des différentiels structurants, se traduisant par des mobilités importantes.

B. Le pied de col marchand : mise en valeur de la discontinuité

1. Concept de pied de col marchand et typologie

53La mise en valeur de la ligne ne se fait pas sur l’ensemble de celle-ci, ni pour l’ensemble de la population. Hamez (2015) insiste sur le fait que la proximité frontalière d’une entité territoriale ne préjuge en rien, dans un même espace transfrontalier, du degré de mise en valeur de la discontinuité frontalière, certaines communes limitrophes de celle-ci pouvant lui tourner le dos. Cela signifie donc que la centralité marchande qui pourrait être permise par la proximité d’un différentiel frontalier, reste inexorablement un potentiel, susceptible d’être valorisé. En cela, cette centralité ne se distingue pas des autres types de centralité étudiés.

54Je pense intéressant de se pencher sur une autre notion, qui renvoie initialement à une situation spatiale bien précise : c’est l’approche du col chez Bernier (2004) et plus encore chez Sutton (2012), où les deux auteurs théorisent les enjeux spatiaux du col en montagne. Sutton et Bernier insistent sur le rôle particulier des pieds de col dans l’organisation spatiale de la traversée des cols. La façon dont Kevin Sutton (2011) définit le pied de col, dans sa thèse, témoigne du rôle important du pied de col dans le système-col : « Un col existe en mobilités parce qu’il supporte un itinéraire utilisé pour franchir une ligne de crête (Bernier, 2004). Le pied de col doit donc être affirmé comme une forme de centralités des mobilités (des services) associé à une qualité nodale motile d’éclatement (un carrefour), groupé autour du pôle (le bourg ou la ville) » (Sutton, 2011).

55Appliqué à la fonction marchande, il est possible d’étendre ces acceptions à d’autres configurations spatiales où l’effet col est tout aussi sensible. Sortir la notion de son contexte montagnard revient à assimiler le col à une configuration spatiale largement reproductible en situation de discontinuité. On peut ainsi rapprocher la notion de col chez Bernier et Sutton à la notion de synapses chez Cuisinier-Raynal (2001).

56D’autre part, cela revient à dire que le pied de col est un point de capture de flux particulièrement important, puisqu’il est le passage obligé pour tous ceux qui veulent passer le col, soit dans le cadre d’une banale mobilité inter-col, soit dans le cadre d’une valorisation des attributs territoriaux des deux espaces mis en relation par ledit col. Le pied fort va correspondre au côté du col qui profite le plus de la mise en valeur de la discontinuité. Dès lors, je propose l’expression de pied de col marchand pour désigner l’ensemble des lieux à forte centralité marchande, en position d’entrée/sortie de franchissement d’une discontinuité, indépendamment de la nature de cette dernière.

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Figure 1. Les formes théoriques de la centralité de positionnement : le pied de col marchand. N. Lebrun, 2023.

57Ainsi, poser le concept de pied de col marchand, qui repose sur le rapprochement entre une situation de discontinuité et des enjeux marchands, ne prend pleinement sens que si nous explorons la diversité de ces situations de discontinuité. En effet, si j’élargis la notion de pied de col, en la sortant de son cadre spatial conventionnel – la montagne – je vois principalement trois situations spatiales concernées :

58• le pied de col marchand de dyade frontalière

59• le pied de col marchand de lisière urbaine.

60• le pied de col marchand aéroportuaire.

1. Le pied de col de dyade frontalière

61Le pied de col de dyade frontalière est actif dans les deux sens. Néanmoins, le pied fort se trouve là où la mise en valeur du différentiel d’attractivité, quelle que soit sa nature, est le plus à même de s’exprimer. Dès lors, plus le décalage de part et d’autre de la frontière sera important, plus la mise en valeur marchande potentielle, et donc la centralité de positionnement effective, seront fortes. Mais d’autres éléments sont à intégrer pour évaluer le degré de valorisation de cette centralité de positionnement :

62• le potentiel démographique du bassin de consommateur du côté du pied faible ;

63• l’aisance du franchissement de col ;

64• le nombre de cols sur la dyade ; trop de cols émiette potentiellement leur mise en valeur.

2. Le pied de col marchand de lisière urbaine

65La lisière urbaine, tout comme la dyade frontalière, est un système-col dans lequel la mobilité est permise dans les deux sens. C’est même l’intensité des mobilités pendulaires ville-campagne qui justifie la valorisation marchande de la lisière urbaine par la centralité de positionnement.

66S’il y a eu un temps dominant de la centralité de positionnement dans le fonctionnement des espaces marchands de lisière urbaine, c’est assurément celui des débuts de la périurbanisation. Elle a permis de pérenniser un modèle marchand qui, jusqu’alors, s’appuyait principalement sur des flux en provenance de la ville, en mettant l’espace marchand jusqu’alors périphérique au cœur des pratiques de mobilités de bien des badauds, qui pouvaient désormais l’insérer facilement dans leurs chaînages de déplacement. Mais, depuis une vingtaine d’années, la mise en concurrence des entrées de ville, combinée à une croissance soutenue de l’offre périphérique, ont contribué à retomber dans un schéma dominant de la centralité de polarisation.

Période

1960 - 1980

1980 - 1995

Depuis 1995

Situation de pied de col marchand

non

oui

oui

Régime d’accumulation marchande

Accumulation standardisée

Accumulation standardisée

Accumulation flexible

Mode de centralité structurante

Centralité de polarisation

Centralité de positionnement

Centralité de polarisation

Mode de centralité complémentaire

Centralité de polarisation

Centralité de positionnement

Tableau 3. Pied de col marchand de lisière urbaine et mode de centralité structurant. N. Lebrun, 2023.

67Dans ce cas précis de la localisation en lisière urbaine, une forme de régulation évolutive et de hiérarchisation entre la centralité de positionnement et la centralité de polarisation semble dès lors s’opérer.

3. Le pied de col marchand de type aéroportuaire

68Le pied de col marchand aéroportuaire est, en dépit du fait qu’il s’agit d’une frontière nodale, marqué par la centralité de positionnement. En effet, c’est le passage d’un poste-frontière, interface entre une métropole (Labasse, 1972) du pays d’implantation de l’aéroport et le reste du monde (Frétigny, 2013). La première particularité est que le pied fort se situe invariablement juste après la ligne-frontière et juste avant la mobilité lointaine, et que le col est à géométrie variable, chaque liaison aérienne générant son binôme pied fort/pied faible. L’autre particularité est que la centralité générée est captive et directement conditionnée au besoin de mobilité. En aucun cas la mise en valeur marchande ne prend le pas sur la mobilité : on ne prend pas l’avion dans l’unique but d’accéder au duty-free.

69L’espace marchand sera différent selon l’aire géographique de destination, Frétigny (2013) rappelant la multiplicité des formes de la frontière dans l’espace aéroportuaire. Les vols intérieurs sont propices à la consommation courante (c’est la zone hors douane), les vols internationaux ajoutent la possibilité du commerce détaxé (Josek, 2016).

C. La frontiéralité aveugle : l’oubli volontaire de la discontinuité

70Il est une limite, plus pernicieuse, celle qui permet par son usage, de faire abstraction de ce qu’il y au-delà de la discontinuité. C’est faire comme si, par exemple, la concurrence n’existait pas de l’autre côté de la frontière, ramenée au rang de frontière gestionnaire (Foucher, 1991), dans la mesure où administrativement rien n’oblige à la prendre en compte, générant un effet de frontiéralité aveugle.

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Figure 2. Les formes théoriques de la centralité de positionnement : la frontiéralité aveugle. Conception et réalisation © N. Lebrun, 2022. À gauche situation initiale. À droite situation en posture de frontiéralité aveugle.

71Un des effets de cette frontiéralité aveugle, c’est qu’en jouant sur les différentiels réglementaires, elle facilite la mise en place de concentrations marchandes de taille plus conséquente.

D. Les caissons marchands : un moyen de se doter de discontinuité

72C. Arbaret-Schulz (2008) dit que « la frontière crée artificiellement de la distance, là où il y a de la proximité ». Mais, nul besoin de frontières ou de différentiels préexistants pour justifier le recours à la discontinuité : le fonctionnement marchand, ou les modalités d’insertion de la fonction dans l’espace public, peuvent justifier un recours à la mise en discontinuité lorsque l’intérêt de la distanciation se fait ressentir. Ces caissons marchands, peuvent être toponymiques (se distinguer par la toponymie du lieu) ou morphologiques (agir sur l’architecture des lieux).

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Photo 1. Un caisson morphologique répandu : la séparation des food-corners dans les centres commerciaux. Photo © N. Lebrun, 2023. Une séparation fonctionnelle, souvent matérialisée, permet notamment à la partie restauration de fonctionner sur des logiques de temporalités différentes. Ici une paroi vitrée entre l’espace restauration et le reste du centre commercial dans le Arribat Center (Rabat, Maroc).

IV. La centralité d’ancrage : le poids du Territoire

A. Ancrage et identité(s)

1. Le concept de centralité d’ancrage

73Rester sur l’idée selon laquelle le binôme accessibilité-attractivité de l’offre, ou des seuils quelconques, régiraient de façon quasi automatique nos pratiques de consommation, ferait de nous des homo œconomicus, ceux-là mêmes qu’Amartya Sen appelle des « idiots rationnels » (Sen, 1999 ; Chatenay, 2004).

74Cette identité territoriale peut-être mutualisée : c’est quand des qualités du lieu, patrimoniales par exemple, le rendent attractif indépendamment de sa seule attractivité marchande, voire malgré son absence d’attractivité marchande apparente. C’est aussi s’accorder à dire qu’un attachement fort peut exister envers des lieux sans qualité objective, pas même marchande, lieux pour lesquels le lien identitaire est partagé par une communauté d’individus, ou relève du parcours subjectif personnel d’un individu.

75Je parle de centralité d’ancrage (Lebrun, 2023a) pour qualifier la centralité mise en valeur par ce type de comportements. Ancrage, parce que la réalité marchande ne prend ici sens que du fait de son interaction avec le territoire dans lequel elle s’insère, territoire qui par ses caractéristiques intrinsèques permet et motive la mise en valeur marchande. L’ancrage territorial y est le fondement même de la fréquentation marchande.

76Le rapport particulier entretenu avec le territoire par la centralité d’ancrage est bien plus fort que celui des autres types de centralité marchande. Ainsi, dans la logique de la centralité de polarisation à condition d’accessibilité comparable, deux lieux marchands sont interchangeables. Changez l’offre, et vous changerez l’attractivité du lieu. Le socle territorial n’est donc que support, alors que la centralité d’ancrage s’appuie sur un substrat territorial nécessaire à son épanouissement (Propeck-Zimmermann et al., 2018).

2. Espace et identité(s) territoriale(s)

77La relation identitaire entretenue par chaque individu avec son ou ses territoire(s) ne doit pas être négligée. Si certains territoires individuels renvoient à des pratiques qui font sens collectivement (renvoyant de fait à des pratiques communautaires), formant des « petits mondes solidifiés » (Debarbieux, 2006), d’autres relations entretenues par chacun d’entre nous participent à construire notre individualité territoriale. Cette identité territoriale peut même être partagée entre plusieurs lieux, comme l’avance M. Stock (2004) dans ses approches de l’habiter. Mais, la réussite marchande ne pourra s’appuyer sur ce rapport identitaire au territoire d’implantation que si la somme des appropriations individuelles fait sens.

78Dès lors, reconnaître que le substrat territorial peut être matière à l’expression d’une centralité marchande qui lui soit spécifique, c’est reconnaître que le territoire peut-être un élément créant une différence d’appréciation des qualités de l’offre selon que le badaud ou le consommateur soit originaire du territoire en question ou non. On pourrait être tenté de penser que, pour qu’un territoire marque sa différenciation au point de générer ce type de centralité marchande, il est nécessaire que ce territoire se distingue des territoires environnants par ses qualités intrinsèques. Pour autant, la singularité du territoire n’est qu’un élément de différenciation de sous-types de la centralité d’ancrage, puisque deux types de comportements a priori complètement opposés semblent pouvoir émerger :

79• Le plus évident : le territoire est tellement « typé » qu’il devient l’élément explicatif des modalités de fréquentation. On adhère ou on rejette cette singularité et c’est ce qui explique la façon dont sont fréquentés les espaces marchands du territoire : soit il est tellement particulier qu’il n’intéresse que les habitants dudit territoire, soit cette singularité est un élément de mise en valeur du territoire, qui lui donne de fait une valeur patrimoniale, relationnelle et/ou touristique.

80• Mais à l’inverse, si un espace se manifeste par des caractéristiques d’une apparente banalité affligeante, il y a fort à parier que les personnes extérieures au dit territoire ne trouvent aucun intérêt à s’y rendre. De fait, seuls les autochtones qui entretiennent des liens plus affectifs à ce territoire vont le faire vivre, participant de facto à l’émergence d’une centralité d’ancrage, puisque là encore c’est bien les caractéristiques du territoire, fussent-elles en apparence sans intérêt, qui expliquent les modalités de fréquentation du lieu.

3. Ancrage local, élément d’introversion territoriale

81Il y a deux façons d’appréhender le rapport à la proximité tel qu’il est mis en œuvre par la centralité d’ancrage :

82• Soit le choix de la proximité se fait naturellement, par adhésion aux valeurs du territoire d’ancrage plus que par méconnaissance, évitement, ou rejet de ce qui se fait ailleurs.

83• Soit elle est l’expression d’une forme de repli sur le territoire de proximité, qu’on pourrait qualifier d’introversion territoriale. Cette introversion peut être plus ou moins consciente et plus ou moins maîtrisée.

84La centralité d’ancrage devient de fait l’expression d’une forme d’introversion subie, si le repli sur des formes de proximité s’explique au moins partiellement par des freins sociétaux à l’interaction avec les autres territoires, et non par des choix conscients. Mais, on a parfois une centralité d’ancrage introvertie pleinement recherchée, voire assumée. La tentation peut être grande de tenter de filtrer pour mieux faire coïncider clientèle potentielle et fréquentation du lieu marchand (Marcilhac, 2013 ; Dion & Borraz, 2014) .

85À l’inverse, la centralité d’ancrage extravertie attire du fait des différentiels socio-identitaires qu’elle véhicule : ce n’est donc pas une centralité d’adhésion mais une centralité de dépaysement (Lebrun, 2023a)

B. Représentation des modalités de la centralité d’ancrage

86Il y a donc deux facteurs théoriques de variation de l’ancrage : le binôme introversion/extraversion et le niveau de singularité.

87Il existe donc deux scénarii qui lient niveau d’introversion et singularité :

88• Soit la singularité permet une plus grande extraversion prenant la forme de la mise en tourisme du lieu.

89• Soit elle permet une plus grande introversion, en permettant d’associer au plus près profils des habitants et offre marchande.

90Un troisième scénario est possible. C’est celui où introversion et extraversion se rejoignent : l’authenticité du lieu, permise par la forte introversion suscite une potentielle mise en valeur touristique. Nous glissons dès lors dans ce que S. Corbillé qualifie de commerce de l’identité (2017), en s’appuyant notamment sur l’exemple du quartier Belleville à Paris. Le commerce de l’identité bascule alors dans l’extraversion la plus totale, faisant du lieu un espace marchand touristique. Le risque est grand pour qu’un espace y perde tout élément d’introversion : c’est notamment ce qu’on peut remarquer dans un espace à dominante marchande comme le quartier de Camden à Londres, autrefois véritable centralité populaire à l’identité affirmée.

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Photos 2 et 3. Ruelles marchandes de la médina de Rabat. Photos N. Lebrun, 2023. À gauche, une artère ayant bénéficié d’une mise en valeur patrimoniale dans un espace fortement fréquenté par les touristes : la mise en valeur est mise au service de l’extraversion touristique. À droite, non loin de là, une artère hors des cheminements touristiques classiques, principalement fréquentée par les classes populaires de Rabat pour l’approvisionnement alimentaire : l’ancrage local et la nature de l’offre suffisent à assurer la fréquentation.

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Figure 3. Représentation des modalités de mise en œuvre de la centralité d’ancrage. N. Lebrun, 2023.

V. La centralité marchande en distanciel

91Il s’agit de qualifier la centralité générée par la connectivité aux réseaux numériques, en la distinguant de celles générées par les trois autres formes spatiales de bases que sont le point (la centralité de polarisation), la ligne (la centralité de positionnement) et l’aire (la centralité d’ancrage). Dès lors, la centralité en distanciel est donc celle liée à ce qu’on qualifie de commerce en ligne /on line, de commerce virtuel, voire de commerce en distanciel4 ou de commerce mobiquitaire. Elle repose sur un principe simple, celui selon lequel l’expérience d’achat pour le consommateur peut se concrétiser indépendamment de l’endroit où il se trouve, les outils numériques, principalement les écrans, permettant à chacun de se passer d’un lieu marchand physique (Deparis, 2017). Pour autant, il y a bel et bien centralité marchande, puisque l’accès à la consommation est possible.

A. Formes du commerce en distanciel

1. Une alternative aux centralités du commerce physique

92La forme la plus simple de commerce en distanciel est celle où l’on considère les formes marchandes historiques de la vente par correspondance. Les acteurs de l’internet dit pure players tels que Amazon, Alibaba ou Shein auraient simplement contribué à renouveler le modèle.

93De cette période, il est resté une forme de défiance vis-à-vis du commerce en ligne, produisant des discours souvent caricaturaux du même type que ceux qu’on peut avoir dans d’autres formes d’opposition classique : petit commerce / grande distribution, commerce de centre-ville / commerce d’entrée de ville, etc. Cette acculturation de l’ensemble des acteurs publics à la révolution du numérique, prendra, elle aussi, du temps, en dépit de changements sectoriels très rapides (Badillo et Tarrier, 2009).

2. Un rapport entretenu au commerce physique

94La complémentarité entre commerce physique et commerce virtuel est désormais moins contestée qu’elle ne l’était, ne serait-ce qu’il y a dix ans. L’explosion de quelques acteurs mondiaux du numérique a paradoxalement contribué à apaiser le rapport que le consommateur entretient avec la vente en ligne. Les consommateurs qui rejettent la possibilité d’acheter en ligne sont de moins en moins nombreux, souvent plus par militantisme que par méconnaissance des outils numériques. Le multicanal et le cross-canal deviennent des conditions de la bonne santé, voire de la survie, du commerce (Larranaga et Soulard, 2018).

95Si la crise sanitaire a eu comme effet de renforcer de façon drastique le rôle des acteurs en ligne, elle a contribué aussi à asseoir la légitimité de la vente en ligne dans la consommation de biens courants, notamment alimentaires. L’intensification des usages de l’achat alimentaire en ligne a notamment provoqué l’explosion très récente des dark stores5 et dark kitchens6 (APUR, 2022), pour soulager le picking magasin7 dans les supermarchés classiques et faire face à la montée en puissance du service. Cette forme d’hybridation marchande, qui s’apparente à la commande classique à un pure player8 pour le client, contribue à renforcer la centralité marchande de lieux où le commerce physique est fortement présent, puisque le picking magasin est pratiqué dans des commerces existants, et contribue donc au maintien de leur activité alors même que moins de clients vont en magasin, ou dans des dark stores dédiés, dont l’existence même n’est nécessaire que dans les endroits dans lesquels la densité démographique et la densité marchande sont déjà particulièrement fortes. Dès lors, la localisation des dark stores, supports logistiques invisibles du commerce virtuel, contribue – et c’est là un paradoxe spatial – en invisibilisant le lieu de vente, à renforcer la centralité marchande qui lui est associée.

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Photo 4. Dark store dans l’hypercentre de Lille. Photo N. Lebrun, 2022. Ce dark store, inaccessible directement pour la clientèle, réinvestit une friche marchande de centre-ville, dans un secteur où la vacance commerciale est réelle. On a donc un renforcement de la centralité marchande pour les résidents du centre-ville lillois, alors qu’aucune boutique supplémentaire ne leur est accessible.

B. Le paradoxe de la centralité marchande en distanciel : une centralité de proximité

1. Une forme spatialisée de la centralité marchande

96De fait, puisque la centralité marchande en distanciel ne génère pas de localisations marchandes physiques visibles, en ce sens qu’elle permet de délocaliser l’expérience d’achat au plus près du consommateur, il ne peut s’agir que d’une forme renvoyant à une réalité sui generis, pour reprendre la terminologie d’Emile Durkheim (Malczewski, 2013).

97S’accorder à dire que le commerce virtuel ne génère pas de lieu de consommation physique peut apparaître comme tautologique : si le commerce virtuel se matérialisait en des lieux marchands, il ne serait plus virtuel. Pour autant, le commerce en distanciel entretient une relation spatialisée avec le consommateur : c’est l’expression ultime de la proximité, puisqu’elle se manifeste par une forme d’individualisation des proximités, qui dans sa forme la plus aboutie – celle où l’accessibilité aux réseaux numériques est continue et polymorphe – suit le consommateur potentiel en tout lieu.

98La centralité en distanciel est donc une centralité « de proximité », la proximité étant alors entendue comme toute forme de minimisation de la distance, qu’elle soit euclidienne, temporelle ou socio-identitaire (Lebrun, 2022). Bien entendu, l’élément régulateur de cette distance n’est pas automatique, il va assurément dépendre de la proxémie (Hall, 1971), entretenue entre chaque individu et les proximités qui s’offrent simultanément à lui.

99Le digital est un élément régulateur parmi d’autres dans cette gestion spatiale de la proximité qui s’offre continuellement à nous. Ainsi Beaude (2018) note que cette opposition entre l’internet et le local n’est que trop souvent stérile, puisque, tout compte fait, on parle toujours d’espace. Pa r ailleurs, de même que la consommation est une pratique sociale (Dubuisson-Quellier, 2009), la sociabilité en ligne influence nos consommations (Stenger et Coutant, 2009) par la prescription ordinaire qu’elle génère.

100Si l’acte d’achat n’est qu’une partie de l’expérience de « magasinage on line », le processus est théorisé par Michaud-Trévinal et Stenger (2014). On retiendra notamment que l’expérience de consommation en ligne est possiblement partagée en plusieurs étapes, chacune pouvant, selon la souplesse du site marchand, être atteinte de différentes manières et en différents lieux.

2. Un impact croissant du numérique qui n’efface pas la spatialité

101Pour autant, la multiplication des canaux qui relient le consommateur au vendeur remet-elle en cause l’intérêt d’une approche spatialisée de la centralité marchande ? Pas vraiment, car l’individualisation spatiale des pratiques d’achat permise par la digitalisation n’exclue par les dimensions éminemment sociales de la façon de consommer, qui se manifestent par un rapport à la territorialité marchande singulièrement variable. Ainsi, dans un lieu où la centralité d’ancrage est particulièrement forte, le recours à la digitalisation ne sera assurément pas le même que dans d’autres lieux, parce que l’expérience de consommation y aura davantage besoin de ce rapport au territoire. P. Dugot (2019) mentionne ainsi qu’il y a une certaine forme de réciprocité dans les rapports entretenus entre commerce physique et commerce virtuel : « L’éloignement d’un commerce culturel anomal, pensons notamment aux biens culturels, peut avoir une incidence sur la fréquentation du commerce électronique ».

102Ainsi, il faut se rappeler que pour agir sur la distance, il faut envisager l’ensemble des proxémies possibles. Beaude avance ainsi, en s’appuyant sur Berque (2010), que l’espace positionnel (celui de la distance mesurable euclidienne ou temporelle) et l’espace existentiel se complètent et surtout existent dans les dimensions spatiales qui s’appuient sur la réticularité autant que dans celles qui s’appuient sur la territorialité. Cela revient à dire que si la dimension spatiale de la consommation virtuelle n’est pas matériellement pleine (en ce sens que l’impact sur les localisations marchandes physiques demeure limité), on ne peut pas pour autant dire que la centralité en distanciel n’a aucun fondement spatial.

103En effet, ce n’est pas le lieu de vente qui génère la centralité, c’est l’ensemble des composantes spatiales qui contribuent à faire que l’achat se produira potentiellement à un endroit donné. Il y a « réécriture spatiale de l’échange » (Dugot, 2019). Et assurément, l’existence d’une offre marchande digitale, où qu’elle soit, change notre rapport aux lieux, en ce sens que par les spatialités qu’elle génère, elle bouscule nos proxémies habituelles, créant tantôt distanciation, tantôt rapprochement vis-à-vis de nos formes et lieux usuels de consommation.

104Ainsi, si j’ai défini la centralité marchande comme étant le potentiel détenu par chaque lieu au regard de sa localisation, la spatialité détenue par le commerce virtuel contribue à la production de la centralité marchande puisqu’elle affecte notre proxémie dans l’expérience de consommation.

105Cela signifie que l’offre en distanciel :

106• Soit nous conforte dans nos pratiques de mobilités croissantes, l’expérience mobiquitaire permettant de limiter le changement de nos pratiques de mobilité, la consommation s’insérant de façon presque transparente dans nos chaînages de mobilité.

107• Soit nous conforte potentiellement dans nos immobilismes latents, permettant grâce à la prise de relais de la logistique, d’assumer notre choix de ne pas être mobile, en contexte de motilité affaiblie ou en contexte de non-conversion assumée de la motilité en mobilité.

108Dans un cas comme dans l’autre, l’élargissement du champ des spatialités permis par la centralité en distanciel, contribuerait à lisser les différentiels de profils de centralité marchande, et l’intensité de la présence marchande, minimisant par l’accessibilité numérique l’isolement marchand des espaces peu dotés, et contribuant à diversifier la centralité des espaces mieux équipés.

Conclusion : vers une typologie affinée des modes de consommation

109Le règne de la polarisation marchande semble révolu. La centralité marchande est plurielle. Qu’elle soit centralité d’ancrage, centralité de polarisation ou centralité de positionnement, ou même centralité en distanciel, elle réinterroge les rapports à l’espace entretenus par le consommateur. Ne pas se tromper de centralité marchande, c’est s’assurer que les motivations des consommateurs, en tant qu’agents spatiaux doués de discernement, sont comprises et qu’on ne leur attribue pas des intentions et des comportements éloignés de la réalité.

110Il est possible d’affiner notre typologie initiale, associant une forme spatiale structurante à un mode de centralité marchande :

Forme spatiale régulatrice

Point

Ligne

Aire

Réseau

Mode

La centralité de

polarisation

La centralité de

positionnement

La centralité

d’ancrage

La centralité

en distanciel

Sous-modes spécifiques

Typologie des pieds de col marchand

Introvertie, extravertie, rémanente

Pure player

Crosscanal

Omnicanal

Régulateur de la centralité marchande

Forme autorégulatrice

Les différentiels entre deux destinations

L’identité territoriale

Maximisation des types de distance mis en œuvre

Leviers de la centralité

Binôme attractivité /accessibilité

Différentiels spatiaux à l’origine des flux (marchands et non marchands)

Attributs socio-identitaires de l’espace d’implantation

Accessibilité au numérique

Configurations spatiales

Polarité marchande

Commerce frontalier Commerce en situation de capture de flux

Commerce de proximité / Commerce identitaire et/ou touristique

Virtualisation de l’accès par terminaux numériques

Formes principales

Entrée de ville, centre-ville

Centres commerciaux (malls, centres commerciaux régionaux)

Polarités de quartiers

Entrées de ville

Commerce frontalier

Commerces communautaires

Commerces touristiques

Commerces de proximité

Pure player

Formes marchandes hybrides et omnicanales

Tableau 4. Typologie affinée des modes de centralité. N. Lebrun, 2023.

111Il en ressort plusieurs choses intéressantes tant dans l’approche théorique des centralités que dans l’approche du fonctionnement marchand.

112D’une part, le postulat théorique de départ que nous avions posé selon lequel il existerait possiblement plusieurs modes de centralité marchande est conforté. Pour chaque forme spatiale régulatrice possiblement rencontrée nous avons dégagés des configurations spatiales concrètes, qui correspondent à des formes et paysages marchands diversifiés. Ce qui était dès lors une proposition théorique renvoie de fait à des configurations marchandes somme toute fréquentes.

113D’autre part, il nous faut en tirer les leçons : si plusieurs modes de centralité existent, il faudra assurément que les acteurs de l’urbanisme commercial prennent davantage en compte cette diversité pour mieux encadrer et accompagner le développement des activités marchandes.

Notes

1141Selon laquelle l’attractivité est inversement proportionnelle à la distance.

1152Le centre étant entendu comme une forme concentrée et apparente de la centralité.

1163Entendue comme capacité à être mobile (Kaufmann et Jemelin, 2008).

1174Appliquer au commerce cette distinction présentiel/distanciel me semble en effet intéressant tant ce binôme est maîtrisé de tous depuis 2020.

1185L’anglicisme dark store désigne un magasin, non accessible par la clientèle, uniquement destiné à satisfaire la livraison des commandes en livraison rapide. Souvent le dark store reprend l’architecture intérieure d’un magasin classique mais se situe dans un sous-sol, ou un local commercial classique en friche.

1196L’anglicisme dark kitchen désigne un restaurant sans salle, non accessible par la clientèle, uniquement destiné à satisfaire les besoins de livraison rapide des commandes à domicile ou sur les lieux de travail, accessibles principalement via des applications dédiées (type UberEat ou Deliveroo).

1207Le picking magasin est un type d’approvisionnement des commandes passées en drive dans lequel les articles sont directement pris par les vendeurs dans les rayons d’un magasin physique classique (supermarché ou hypermarché). L’activité drive est alors un complément de la clientèle habituelle.

1218On appelle pure player un acteur marchand pour lequel l’intégralité de l’offre n’est qu’accessible qu’en ligne, sans s’appuyer en complément sur un réseau de magasins physiques.

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Pour citer cet article

Nicolas LEBRUN, «Appréhender la centralité marchande : les modes de centralité», Bulletin de la Société Géographique de Liège [En ligne], 81 (2023/2) - Varia, 57-74 URL : https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=7105.

A propos de : Nicolas LEBRUN

Maître de conférences HDR en géographie

UR 2468 Discontinuités (U. Artois) et

UR 4287 Habiter le Monde (U. Picardie Jules Verne)

nicolas.lebrun@univ-artois.fr

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